But de la CNR : comprendre son rôle crucial dans le secteur énergétique

Femme en blazer bleu examine des plans hydroélectriques

Le cadre réglementaire français impose depuis 1933 un opérateur unique pour l’aménagement du Rhône. Ce modèle, rarement appliqué ailleurs en Europe, concentre la gestion de l’eau, de l’énergie et de la navigation sous une seule entité. Cette organisation soulève régulièrement des questions sur la répartition des missions et la transparence des choix énergétiques.

La multiplication des exigences environnementales, la pression sur la ressource en eau et l’essor des énergies renouvelables complexifient encore ce dispositif. Les arbitrages qui en découlent influencent durablement le paysage énergétique et les équilibres écologiques du fleuve.

Pourquoi l’aménagement du Rhône façonne-t-il le paysage énergétique français ?

Le Rhône, colonne vertébrale hydraulique du pays, joue un rôle stratégique. La Compagnie Nationale du Rhône (CNR), concessionnaire du fleuve, pilote un dispositif unique. Voici ce que cela représente concrètement :

  • 19 centrales hydroélectriques,
  • 19 barrages,
  • 14 écluses,
  • 330 kilomètres de voies navigables.

Ce réseau irrigue toute la vallée du Rhône en électricité renouvelable, soutient l’irrigation agricole et facilite la logistique fluviale. En tant que premier producteur national d’énergie exclusivement renouvelable, la CNR occupe une place de choix dans la transformation énergétique de la France, entre ambition de neutralité carbone et contraintes industrielles.

La loi dite « Aménagement du Rhône » prolonge la concession de la CNR jusqu’en 2041, confirmant ainsi la vocation multi-usages du fleuve. Même si le nucléaire domine toujours le paysage énergétique avec ses 56 réacteurs, la part des énergies renouvelables augmente, stimulée par la programmation pluriannuelle de l’énergie et l’urgence climatique. Peu dépendante du gaz, la France s’appuie sur le Rhône pour produire localement, limiter les importations d’électricité lors des arrêts des centrales nucléaires et verdir son mix énergétique.

Trois missions indissociables structurent l’action de la CNR :

  • Production d’électricité hydraulique
  • Navigation et transport fluvial
  • Irrigation et aménagement agricole

Pour accompagner la mutation du secteur et renforcer la robustesse de ses infrastructures, la CNR investit plus d’un milliard d’euros dans l’adaptation de ses ouvrages. Cela se traduit par de vastes chantiers : modernisation de centrales, construction de passes à poissons, doublement des portes d’écluses, augmentation des capacités de production. L’aménagement du Rhône n’est pas seulement un legs du passé : il s’impose comme un levier de la transition énergétique, au cœur des choix politiques et industriels français.

Le rôle central de la CNR : entre gestion du fleuve et production d’énergies renouvelables

La Compagnie Nationale du Rhône, présidée par Laurence Borie-Bancel, se distingue dans le paysage énergétique par un modèle atypique. Son capital réunit :

  • Groupe Caisse des Dépôts (33,2 %)
  • Collectivités locales (16,83 %)
  • Engie (49,97 %)

Ce trio garantit à la fois stabilité, présence territoriale et capacité d’investissement. Sur le terrain, la CNR engage un programme massif de 500 millions d’euros pour moderniser ses infrastructures : nouvelles centrales hydroélectriques, développement de petites unités, aménagement de passes à poissons, doublement des portes d’écluses.

L’objectif est limpide : renforcer l’apport d’électricité renouvelable tout en assurant une gestion fine et équilibrée du Rhône.

Mais la CNR ne se limite pas à l’hydroélectricité. L’entreprise accélère sur d’autres fronts :

  • photovoltaïque (via Vensolair et Solarhona),
  • éolien,
  • projets autour de l’hydrogène et du stockage.

Sa stratégie s’appuie sur une expertise reconnue à l’international, notamment dans l’ingénierie hydroélectrique et environnementale. Parmi les projets récents, les panneaux solaires linéaires verticaux illustrent cette capacité à anticiper les besoins locaux et à diversifier les ressources.

Le rôle de la CNR ne se limite pas à la production. Quatre délégations territoriales, Haut-Rhône, Rhône Médian Nord, Rhône Médian Sud, Rhône aval, accompagnent les collectivités pour mettre en place des solutions concrètes. Les Plans 5Rhône, dotés de 165 millions d’euros renouvelés tous les cinq ans, irriguent les rives du fleuve de projets d’intérêt général : agriculture durable, transport fluvial, développement touristique. Une partie des richesses de la CNR revient ainsi aux territoires, prolongeant la vocation d’entreprise de service public en pleine mutation, fidèle à ses racines mais résolument tournée vers l’avenir.

Quels impacts environnementaux et sociétaux pour les territoires riverains ?

L’action de la CNR dépasse la seule production d’électricité renouvelable. Gérer 330 km de voie navigable, 19 barrages et 14 écluses transforme le Rhône en axe structurant pour les dynamiques locales. Les collectivités profitent directement de cette présence à travers plusieurs leviers :

  • Plans 5Rhône
  • restauration écologique
  • soutien à l’agriculture
  • développement du transport fluvial

Sur le plan environnemental, l’impact se traduit par une baisse significative des émissions de gaz à effet de serre grâce à l’hydroélectricité, ressource renouvelable phare en France. Le pays se hisse ainsi à la troisième place européenne pour la production primaire d’origine renouvelable. En tant que concessionnaire, la CNR veille aussi à la préservation de la biodiversité : passes à poissons, gestion raisonnée des débits, aménagements pour restaurer les milieux naturels. Les chantiers se multiplient, mais la ligne reste claire : concilier transition énergétique et sauvegarde des ressources naturelles.

La dimension sociétale se manifeste à travers l’appui aux collectivités territoriales. Les missions d’intérêt général financées par la CNR irriguent l’économie locale. Quelques exemples concrets : soutien à l’agriculture irriguée, dynamisation du tourisme, relance de la navigation. Chaque euro réinvesti structure le tissu économique. La transformation énergétique se joue également dans l’adaptation au changement climatique, la maîtrise de l’eau et l’innovation dans la gestion des risques. Les riverains voient leur territoire évoluer : plus résilient, plus attractif, plus attentif à la préservation des ressources et à la diminution de la dépendance aux énergies fossiles.

Ingénieur en sécurité observe la centrale hydroélectrique

Stratégies nationales et innovations : vers une transition énergétique durable

La France s’inscrit résolument dans la dynamique européenne. Le plan REPowerEU donne le ton : réduire la dépendance aux combustibles fossiles russes et accélérer la percée des énergies renouvelables. L’Union européenne vise près de 80 % d’électricité renouvelable à l’horizon 2050. L’Agence internationale de l’énergie note une capacité installée supplémentaire de 290 GW en 2021. Quant à Aurora Energy, elle chiffre à plus de 1 500 milliards d’euros les investissements nécessaires d’ici le milieu du siècle.

Sur le terrain, la France mobilise tout un écosystème : grands groupes, PME, instituts de recherche (CEA, CNRS, France Energies Marines, IFREMER…). La montée en puissance de la recherche et de l’innovation se traduit par une vague de solutions : panneaux solaires bifaciaux, agrivoltaïsme, éolien flottant, stockage massif de l’électricité. Résultat tangible : le coût du photovoltaïque a chuté d’un facteur dix en dix ans, celui de l’éolien et des batteries a plus que diminué de moitié en huit ans.

Le Conseil national de l’industrie pilote le secteur via le CSF Nouvelles Systèmes Énergétiques, fédérant tous les acteurs de la filière, de l’efficacité énergétique aux réseaux intelligents. Le secteur pèse aujourd’hui 210 000 emplois et 41 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France. La coopération internationale s’impose : partager les connaissances, mutualiser les ressources, accélérer la transition énergétique dans une compétition mondiale de plus en plus vive.

Le fleuve Rhône, ses barrages et ses écluses dessinent désormais bien plus qu’un simple sillon dans le paysage : ils incarnent la promesse d’un territoire en pleine réinvention, où chaque choix d’énergie façonne un avenir plus résilient et plus juste. La prochaine décennie s’écrira-t-elle dans le courant du Rhône ?

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